A 96 ans, Ari Wong Kim a reçu ce jeudi 17 septembre 2020, en Normandie, la Légion d’honneur. La décoration lui a été remise par le fils de celui qui fut le commandement du bataillon, Félix Broche.Il est le dernier survivant du bataillon du Pacifique à s'être engagé en 1940. A 16 ans, Ari Wong Kim a usurpé l'identité de son frère pour partir de Tahiti et aller combattre dans le désert libyen, en Italie et en France.
Ari Wong Kim quitte la Polynésie française en 1941 pour aller se former, comme d'autres, en Australie. Puis, il découvrira avec les Tamarii volontaires du bataillon du Pacifique le désert de Lybie. Il sera ensuite blessé en Italie. "Il faut être brave, courageux pour défendre son pays", confie-t-il.
À l’occasion des cérémonies du 8 mai, célébrant la victoire de 1945, le représentant de la Polynésie au CESE, Christian Vernaudon, rend hommage aux « Tamarii volontaires » et à Ari Wong Kim dernier survivant du Bataillon du Pacifique. Engagé à l’âge de 16 ans pour la Seconde Guerre mondiale, Ari Wong Kim vit aujourd’hui dans l’Hexagone.
Émile de Curton, fut désigné par le Général de Gaulle, le 5 novembre 1940, Gouverneur des Établissements français d’Océanie. Alors médecin militaire et administrateur des Iles sous le Vent, il raconte (1) comment, à l’occasion de la cérémonie du 14 juillet 1940 à Uturoa – Raiatea, plusieurs chefs polynésiens prirent la parole pour appeler à ne pas désespérer et à poursuivre le combat pour libérer la France.
« Un autre se leva, un juge indigène qui depuis quarante ans faisait respecter dans ces îles la loi française. Sa longue carrière n’avait été interrompue que par deux ans de combat dans les tranchées de Champagne : « La France ne peut pas être tout à fait triste. Elle ne peut pas avoir oublié ses enfants de Tahiti qui ont combattu pour elle, qui l’ont aidée à vaincre. Elle doit bien penser qu’ils sont prêts à reprendre les armes contre ses ennemis. Notre pays a beaucoup de guerriers forts et courageux. La guerre n’en a pris aucun. No reira ! par conséquent ! pourquoi dire que la France a perdu la guerre ».
« Un autre était un Orometua haapii, instituteur indigène, et il déclara avec émotion : « La France nous a donné des écoles pour instruire nos enfants, des médecins pour guérir nos malades. Aujourd’hui, la France est malade. Nous voulons la soigner. La France est notre mère à tous. Nous voulons lui montrer que nous sommes ses enfants reconnaissants. Nous voulons former un autre Bataillon du Pacifique ! ».
Ainsi, le 3 mai 1941, il y a de cela 79 ans, à Nouméa était constitué le Bataillon du Pacifique commandé par le Capitaine Félix Broche. Il comprenait 300 volontaires polynésiens, 300 volontaires calédoniens et quelques néo-hébridais. Ari Wong Kim en faisait partie et en est aujourd’hui le dernier survivant.
©Fonds Buisson
Ari est l’un des tous derniers combattants français de la France libre survivant à avoir combattu à la fois : au Débarquement de Provence où il fût blessé à la Garde, le 22 août 1944 ; sur le front de la Bataille d’Italie durant l’hiver 43 – 44 où il fût aussi blessé le 11 mai 1944 et où il perdit un de ses camarades décapité sous ses yeux par un obus allemand ; et aussi, dès mai – juin 1942 durant la campagne de Lybie à Bir Hakeim et El Alamen.
Bir Hakeim, bataille suprême où 3 700 soldats de la France libre menés par le général Koening tinrent tête du 26 mai au 11 juin 1942 à 37 000 soldats des troupes allemandes nazies et italiennes dirigées par le général Rommel leur infligeant des pertes en hommes et en matériels dix fois supérieures à celles qu’eux-mêmes enregistraient malgré des armes beaucoup plus modestes.
Bir Hakeim où le premier mort du Bataillon du Pacifique fût Kararo Tainui, enfant de Napuka aux Tuamotu, qui voulait, depuis son trou dans le sable, avec son seul fusil, descendre un avion allemand et qui fût tué par la mitrailleuse de ce dernier. A quelques mètres de lui se trouvait Ari, tapi dans un des trous voisins, qui vécut toute la scène et nous la raconte aujourd’hui.
Bir Hakeim où perdit la vie, la veille de la sortie de vive force, le capitaine Félix Broche qui avait su s’imposer comme le chef charismatique de tous ces combattants français libres des colonies françaises du Pacifique, des Nouvelle-Hébrides, des Établissements français de l’Océanie et de la Nouvelle-Calédonie, tous de sang et d’origines mêlées, mais unis par une seule foi, défendre la Patrie, La France, la France libre (Farani vī ‘ore) et la Liberté. Le Capitaine Félix Broche dont le grand chef Teriieroiterai (5) avait dit : « Je suis sûr qu’on peut lui faire confiance. On ne peut pas rester sans continuer la lutte. Il mènera le Tahitien là où il doit aller ».
Bir Hakeim dont le Général de Gaulle écrivit dans ses mémoires ceci alors qu’il apprend la nouvelle de la victoire à Londres : « Je remercie le messager, le congédie, ferme la porte. Je suis seul. Oh cœur battant d’émotion, sanglots d’orgueil, larmes de joie ». Le 18 juin 1942, à Londres, le Général s’exclamât : « Quand, à Bir Hakeim, un rayon de sa gloire renaissante est venu caresser le front sanglant de ses soldats, le monde a reconnu la France… ». Le 19 juillet 1942, le général rendit visite aux troupes du général Koening dans le désert et leur déclara : « Général Koening, sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil ! Pour le monde entier, le canon de Bir Hakeim annonce le début du redressement de la Patrie ».
Comme l’a écrit son neveu Georges Buisson, le message que souhaiterait aujourd’hui nous transmettre son oncle Ari Wong Kim est celui qu’en 2001, son ami John Martin, avait lui aussi transmis aux jeunes générations : « Si c’était à refaire, je le referais sans la moindre hésitation ».
Mais comme l’avait fait John Martin, compagnon du Bataillon du Pacifique, dans une de ses dernières interviews aux Nouvelles de Tahiti le 16 août 2004, Ari transmet aussi aujourd’hui à propos de la guerre le message suivant : « la guerre, quelque chose de tout à fait idiot qu’il ne faut plus faire ».
« Les Français du monde entier ont répondu à l’appel du Général de Gaulle, ce fameux 18 juin 1940. Les polynésiens ont été les premiers à se lever. Nos Ta’ata Tahiti n’ont pas hésité à quitter leur petite île pour aller combattre et défendre les couleurs de la France.
C’est avec une certaine émotion que je me remémore cette époque car mon père a lui-même participé à ces combats… Cette histoire commune que nous avons avec la France, est pour moi un symbole fort. Nos metua étaient si loin de la France, de cette guerre…
Et c’est là que je me rends compte que nos Polynésiens sont allés au combat parce qu’ils étaient français. Ils ont participé à la libération de la France parce que c’est aussi leur Pays. Et nous avons là un lien que rien ne pourra jamais défaire.
Des polynésiens se sont portés volontaires pour la France, des Polynésiens ont été blessés, des Polynésiens sont morts pour la France. Quelle autre preuve pouvons-nous apporter que nous sommes bel et bien français ?
Cette part de notre histoire commune, de ce lien qui nous unit nous montre incontestablement notre double appartenance et cela sur le même pied d’égalité à notre Pays et à la Nation française »
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