La misère du Service de Santé des Armées avec son exemple le plus criant : le scandale de l'hôpital de campagne de Mulhouse. Réalité difficile à supporter mais difficilement contestable.
L'article est instructif. Espérons que la pandémie pourra être surmontée sans l'aide des moyens désormais dérisoires des Armées.....
Maurice Michel
Où sont passées les économies faites sur le dos des Armées, sur les réductions des moyens accordés aux services publics comme le monde médical, la justice par exemple ? Quels emplois ont t ils été réservés aux fameux " dividendes de la paix" ? Et ce depuis la déclaration de FABIUS.....!
"Les conneries c'est comme les impôts, on finit toujours par les payer" (Michel Audiard)
Les connaisseurs du milieu militaire ne peuvent que sourire (avec tristesse) devant la communication outrancière et surtout exagérée sur le rôle des armées françaises dans la crise COVID 19 que traverse la France aujourd’hui. Cette communication est exagérée dans un seul et unique but : redorer l’image du président Macron qui, non content d’avoir été imprévoyant, cherche à être comparé à Clémenceau dans les tranchées.
Tout comme l’hôpital public, l’armée française n’a plus les moyens depuis longtemps pour faire face de manière massive à une telle crise. Bien sûr, la responsabilité doit être recherchée, au minimum chez les trois derniers présidents qui ont diminué de manière drastique les moyens régaliens pour les rendre “rentables” : Sarkozy, Hollande et Macron.
Les hôpitaux militaires ne pèsent que 1% de l’hôpital public (lui-même déjà débordé et sans moyen). Il aura fallu 6 jours pour que cet hôpital militaire de campagne prenne en charge son premier patient et il ne possède que 30 lits en capacité de réanimation. Savez-vous que l’hôpital historique du Val de Grâce, qui a été fermé contre l’avis des spécialistes, est aujourd’hui à l’abandon et abrite une section sentinelle de 30 soldats ?
Si l’hôpital du Val-de-Grâce attire les convoitises du DAL c’est parce qu’il est … quasi vide. Depuis l’été 2016, tous ses patients sont partis et l’ancien hôpital se cherche un nouvel avenir.
Le ministère de la Défense, en quête d’argent, avait décidé en 2014 de vendre ce très juteux patrimoine. Mais depuis, le site de 2,7 ha n’a toujours pas de repreneur. Plusieurs investisseurs privés le convoitent pour y implanter des équipements dédiés à la santé (pôle mondial de recherche et d’innovation thérapeutique ou hôpital centré sur le handicap), mais deux ministères sont aussi sur les rangs pour occuper les locaux. Le ministère de l’Intérieur songe à y implanter une« cité du renseignement » où les services des espions français seraient regroupés, tandis que le ministère de la Santé voudrait y créer un campus regroupant différents services de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.
En attendant que l’Elysée tranche, des militaires de l’opération Sentinelle chargés de sécuriser les lieux publics dans le cadre du plan Vigipirate y sont logés.
Florence Parly, en bonne communicante, a envoyé un bâtiment de la Marine nationale en Corse pour transférer 12 patients, pour une capacité de 15 maximum à bord, alors qu’un aller-retour en avion aurait pris quelques heures. Le clou du spectacle médiatique fût sans doute la diffusion en version accélérée de la vidéo du montage de l’hôpital de campagne à Mulhouse sur le compte twitter de la ministre des armées, un peu comme la vidéo d’un des deux hôpitaux chinois construits en 10 jours…sauf que là, il s’agit de 30 lits. Les militaires doivent avoir honte de voir ainsi leur manque de moyen mis en avant par des responsables qui ne s’en rendent même pas compte.
Jean-Dominque Merchet explique parfaitement sur son blog la réalité des moyens des armées françaises :
Chaque jour qui passe nous permet de mieux mesurer la faiblesse des moyens dont disposent les armées en matière sanitaire.
On apprend que le porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre, arrivé ce matin à Ajaccio en provenance de Toulon, transportera « douze malades » atteints du Covid-19, vers Marseille. Un bateau de 20 000 tonnes pour douze patients, sachant que ces capacités sont de l’ordre de « la quinzaine », selon le ministère des armées.
Vendredi un deuxième vol d’A330 Phénix en configuration Morphée a eu lieu de Mulhouse vers Bordeaux, avec six patients à bord. Sachant que 1) l’armée de l’air ne possède (sauf erreur de notre part) que deux kits Morphée, 2) qu’après chaque vol, « deux à trois jours » de reconditionnement (notamment pour la désinfection) sont nécessaires, 3) qu’un kit Morphée doit rester en alerte pour une éventuelle évacuation sanitaire (evasan) de blessés en Opex, on peut en conclure que le Phénix Morphée pourrait – en moyenne – effectuer trois vols sanitaires par semaine. Soit moins de vingt patients.
Les hôpitaux militaires (HIA) mobilisés disposent au total de 117 lits, dont 40 en réanimation. Auquel s’ajoutera l’EMR (élément mobile de réanimation) en cours d’installation à Mulhouse et qui offrira 30 lits supplémentaires. Soit un total de 70 lits de réanimation, comme nous l’écrivions dès lundi. 47 autres lits sont destinés à accueillier des patients hors réa (…)
Cette crise nous fait toucher du doigt d’une manière extrêmement concrète ce que signifient des mots comme « modèle d’armée complet » et « armée échantillonaire ». Beaux débats à prévoir dès lors que la crise sera surmontée…
Par ailleurs, il nous explique aussi avec précision pourquoi il aura fallu autant de temps pour installer 30 lits :
Le ministère des Armées nous apprend (…) que les Elément militaires de réanimation (EMR), c’est-à-dire l’hôpital de campagne d’une capacité de 30 lits, sera « mis en oeuvre » à proximité de l’hôpital de Mulhouse « dans quelques jours ».
Ces « quelques jours » posent question. L’annonce a été faire lundi soir, 16 mars, par le chef de l’Etat, chef des Armées. On pouvait donc imaginer que l’affaire était en bonne voie. Or, on apprend 38 heures plus tard que « le personnel du Régiment médical (RMED) est projeté aujourd’hui [mercredi 18 mars] (…) Le compte-à-rebours est donc lancé : combien de jours faudra-t-il entre une annonce présidentielle et l’accueil du premier patient ? (…) De son côté, la Dicod assure que le ministère des Armées « n’a pas de date exacte, mais tout indique que cela sera avant le 27 mars ». Dans le Parisien, la ministre Florence Parly déclare que ce sera « le plus rapide possible » mais qu’il s’agit d’une « opération importante » pour les armées. Jeudi, la Dicod nous indique que « l’installation débutera cette fin de semaine » (…)
Un internaute nous précise que « le dernier Hôpital Militaire de Campagne, le 810ème HMC du RMED, a été dissous il y a 5 ans. Le SSA doit donc piocher dans l’ensemble de ses UMO pour monter de toutes pièces cet EMR et ça demande quelques délais… »
Le mal des armées françaises est profond :
Les armées font ce qu’elles peuvent, c’est-à-dire avec les moyens que le pays met à leur disposition et beaucoup d’engagement des personnels. Si le second ne fait pas défaut, force est de constater que les premiers ne sont pas à la hauteur de ce que les citoyens s’imaginent. La « paupérisation du Service de santé des armées » est une réalité, que les images ne parviendront pas à masquer. Comme nous le confiait récemment un officier général, «il y a un décalage entre ce que les gens attendent de l’armée et ce qu’elle peut faire pour eux ».
Cet état de fait ne doit pas surprendre : depuis une génération, les armées ont été réorganisées dans une logique expéditionnaire, tout en préservant ce que les documents officiels qualifient parfois un peu pompeusement de « modèle d’armée complet ». Complet, certes, mais à des niveaux quantitatifs tellement faibles que d’aucuns, dans les milieux spécialisés, parlent d’ « échantillonaires »
Le général Vincent Desportes confirme ces éléments et fait remonter la responsabilité politique jusqu’à Jacques Chirac :
“(…) L’offre de santé militaire a été drastiquement réduite lors des quinquennats de Chirac, Sarkozy et Hollande avec la baisse des budgets, puisqu’on a imaginé que n’importe quelle médecine pouvait faire le travail des médecins militaires. Ce qui est totalement faux ! (…)”
En attendant, plusieurs pistes sérieuses laisser penser que les armées françaises se préparent à renforcer le dispositif Sentinelle de manière massive (aujourd’hui estimé à 4 000 hommes), afin de soulager les forces de sécurité intérieure pour faire respecter le confinement.
En effet, Christophe Castaner a annoncé le 19 mars dernier qu’il envisageait un renfort du dispositif Sentinelle alors même qu’il avait laissé entendre le contraire après l’intervention du président de la république le 17 mars dernier (“Il n’y a pas de mobilisation de l’armée pour contrôler nos rues (…) nos forces de sécurité intérieures seront largement déployées pour cela”. Voir la vidéo à partir de 25’00”) :
En lieu et place, le ministre Castaner annonçait ce jeudi, « une montée en puissance du dispositif Sentinelle » ; un dispositif mis sur pied au lendemain des attentats de 2015 en France, pour « faire face à la menace terroriste sur le territoire national et protéger les points sensibles du territoire ». Selon le ministre de l’intérieur, le dispositif ‘’Sentinelle’’, devrait mettre donc à contribution l’armée pour le renforcement de la sécurité, sans pour autant se substituer aux forces de police. « Ils ne feront pas de contrôle d’identité, ils sont là en appui » avait déclaré en substance Christophe Castaner.
Cela avait été le cas en 2015 suite aux attentats où près de 10 000 hommes avaient été déployés. Les conséquences de cette suractivité ont été terribles sur la préservation des effectifs que le ministère des armées a beaucoup de difficultés à fidéliser. Le commandement des armées est sans doute tiraillé aujourd’hui entre sa vocation naturelle à soulager la Nation en crise et le risque de voir ses effectifs fondre encore davantage si ils étaient à nouveau déployés en masse…surtout sans masque.